Nous avons quitté la belle Sainte-Irénée et l’apaisante vue sur le Saint-Laurent, en partie glacé, au petit matin. Dans nos têtes se mêlaient la tristesse de laisser derrière nous ce petit paradis (avec cheminée !) et l’impatience de découvrir la suite. Devant nous, une longue journée de route, ponctuée par un arrêt attendu à Tadoussac, pour rejoindre Godbout et le traversier qui nous mènerait sur l’autre rive du fleuve.
La Route 138 : une route historique et touristique
Après avoir emprunté, jusqu’à La Malbaie, la Route du Fleuve (le joli nom donné à la Route 362), nous avons rejoint la Route 138. Et, avant de continuer à vous raconter cette journée sur cette route, une petite présentation de ce témoin d’un pan de l’Histoire du Québec et, en de nombreux endroits, belvédère de choix pour admirer le Saint-Laurent, s’impose.
Le tracé de la Route 138
La Route 138 s'étend aujourd’hui sur 1420 kilomètres, du sud-ouest au nord-est du Québec. Il s’agit de la seconde plus longue route du Québec. Elle commence au sud-ouest de Montréal, à la frontière de l'Etat de New York et se termine actuellement à Côte-Nord-du-Golfe-du-Saint-Laurent, sur la Basse-Côte-Nord.
En chemin, elle traverse six régions (Montérégie, Montréal, Lanaudière, Mauricie, Capitale-Nationale, Côte-Nord) et des villes importantes de la Belle Province (Montréal, Trois-Rivières, Québec, Baie-Comeau, Port-Cartier, Sept-Îles, Havre-Saint-Pierre).
La Route 138 et l’Histoire
De Montréal à Québec, la Route 138 est parsemée de panneaux indiquant « Chemin du Roy ». Le Chemin du Roy était la première route de Nouvelle-France reliant Montréal à Québec, en passant par Trois-Rivières. Le premier tronçon de cette route carrossable, ouvert dans les années 1660, permettait de relier Cap Tourmente à Cap-Rouge, en passant par le Vieux-Québec.
A la fin du chantier colossal de la construction du Chemin du Roy, en 1737, celui-ci permettait de parcourir les 280 kilomètres qui séparaient Montréal de Québec. Il s'agissait alors de la plus longue construite en Amérique du Nord et ceci a duré pendant plus de cent ans après sa construction.
Aujourd’hui, la Route 138 suit plus ou moins le même tracé que le Chemin du Roy à l’époque. Depuis 1999, la portion Montréal-Québec de la Route 138 est signalée comme route touristique du Chemin du Roy.
La Route 138, de La Malbaie à la Côte Nord
C’est donc, pour nous, à La Malbaie que notre bout de chemin sur la Route 138 a commencé. A cet endroit-là, la Route 138 permet de profiter d’une belle vue sur le Saint-Laurent dont elle ne s’éloigne jamais beaucoup.
Sous un ciel chargé de nuages, l’eau du fleuve prenait des tons gris-bleus, profonds, sombres, magnifiques. Et puis, quand le soleil parvenait à faire une percée à travers le ciel encombré, des reflets argentés dansaient sur les eaux calmes et parsemées de glaces, du Saint-Laurent.
Revoir la Rivière Saguenay depuis le traversier de Baie Sainte-Catherine
Quelques kilomètres après le joli et paisible petit bourg de Baie-Saint-Catherine, tournée toute entière vers le Saint-Laurent, la Route 138 s’est arrêtée. Brusquement. Elle qui fait la part belle au fleuve en offrant des points de vue remarquables sur ses eaux, la voilà interrompue par celles de la Rivière Saguenay !
Trois jours avant, nous marchions sur cette même Rivière Saguenay entièrement glacée et recouverte de neige dans la Baie des Ha! Ha! avant de rejoindre le Sentier Eucher. Mais, à cet endroit de la rivière, tout près de l’endroit où ses eaux se mêlent à celles du Saint-Laurent aucune trace de glace ni de neige.
Une eau bleu foncée, agitée par un léger clapotis, frappait doucement la coque du traversier qui nous menait sur l’autre rive. Sur notre gauche, on observait un paysage « fermé » où se dressaient, à perte de vue, les reliefs qui surplombent le fjord de la Rivière Saguenay. Au contraire, sur notre droite le paysage s’ouvrait, au loin, sur une étendue d’eau qui semblait ne jamais prendre fin.
Depuis le traversier, deux vues radicalement différentes s’offraient donc à nous. Nous avions l’impression d’être à la croisée de deux mondes opposés, mais tout aussi prometteurs l’un que l’autre !
La Route 138 et la Côte Nord
En réalité, lors de cette traversée les deux mondes différents n’étaient pas à bâbord et à tribord mais la proue et à la poupe de notre traversier. En traversant, nous avons quitté la région de Charlevoix-Est pour atteindre celle de Côte Nord, la deuxième plus grande région du Québec après le Nord-du-Québec.
A partir de Tadoussac et jusqu’à Natashquan, la Route 138, elle, est surnommée la Route des Baleines. En effet, le long de cette route côtière, il est possible d’observer treize espèces différentes de cétacés. Il existe d’ailleurs plusieurs points d’observation des baleines dont Tadoussac et ses environs, mondialement connus pour cette activité.
Tadoussac … presque rien que pour nous !
Mais, en hiver, les baleines n’agitent pas leurs nageoires à proximité de Tadoussac. Pas plus que les touristes ne traînent leurs bottes par là-bas. C’est donc quasiment seuls au monde que nous avons eu l’occasion de découvrir cette jolie petite bourgade.
A l’origine, quand nous étions encore à La Baie et que nous n’avions pas chamboulé notre itinéraire, nous projetions d’aller passer une nuit à Tadoussac. Mais, suite à nos discussions avec Ghislaine (notre – fabuleuse - hôte à La Baie) et à une rapide recherche de logement, nous avons rapidement compris que nous devions changer nos plans.
Et, en arrivant sur place, nous avons compris que nous avions vraiment bien fait ! Bien que toujours pleine de charme, Tadoussac semblait en hibernation la plus complète, les restaurants étaient fermés, les lieux touristiques aussi. Seule une petite épicerie semblait vivoter au milieu de la ville désertée.
Petite parenthèse Histoire : Tadoussac, plus vieux village du Québec
Au-delà d’être un lieu privilégié pour l’observation des baleines, Tadoussac est également connu pour être le plus vieux village du Québec. Tadoussac a d’ailleurs fêté son 400e anniversaire en 2001. Dès 1535, Jacques Cartier a visité la région de Tadoussac
A cette époque-là, la région de Tadoussac était habitée, en été uniquement, par une tribu innue. Son nom viendrait d'ailleurs du mot innu "Totouskak" signifiant "mamelles", en référence aux deux collines rondes à l'ouest du village.
En 1600, François Dupont-Gravé et Pierre de Chauvin installent un poste de traite de la fourrure à Tadoussac. En effet, un an plus tôt, Henri IV leur a accordé le monopole du commerce de la fourrure. Grâce à ce poste de traite, Tadoussac devient la première colonie française pérenne en Amérique du Nord.
Le poste de traite originel se trouvait à proximité de l'embouchure de la rivière Saguenay. Il existe aujourd’hui une réplique de celui-ci dans Tadoussac, appelé Poste de traite Chauvin.
Notre découverte de Tadoussac
A peine arrivés sur place, garés aux pieds de l’impressionnant Presbytère de Tadoussac aves son toit tout en pointes et en pentes, d’autres toitures rouges, emblématiques de Tadoussac, ont attiré notre regard.
Un peu plus loin en contrebas, la Chapelle de Tadoussac semblait veiller sur la magnifique baie devant elle. Sur notre droite, des morceaux de toit de l’Hôtel Tadoussac apparaissaient, ça et là, entre les branches des arbres.
L’Hôtel Tadoussac
Le premier Hôtel Tadoussac a été construit en 1864 par la Tadoussac and Sea Bathing Co. Son architecture alors était bien différente de celle d'aujourd'hui. Rénové en 1888, il est finalement détruit en 1941 car jugé trop vétuste.
L'Hôtel Tadoussac actuel a été construit, un an plus tard, en 1942 afin d'accueillir les crosiéristes qui faisaient étape entre les Grands Lacs et Chicoutimi. Par la suite, l'hôtel a été fermé, vendu, racheté, rénové, vendu à nouveau, mais surtout il a été rendu célèbre par le tournage du film L'Hôtel New Hampshire en 1984.
J’avais beau l’avoir vu des dizaines de fois en photo, l’Hôtel Tadoussac m’a impressionnée. Il a marqué mon esprit durablement par sa longueur impressionnante, l’éclat de son toit rouge mais aussi la beauté de ses lignes.
La Chapelle de Tadoussac
Et que dire de la Chapelle de Tadoussac … Véritable emblème du village, et même parfois du Québec, voir en vrai ce petit bout d'Histoire, ce symbole, a été un moment plein d'émotions. Nous n’avons pas pu voir son intérieur tout en bois dont le plafond évoque un peu la coque d’un bateau retourné, mais tout de même.
A peu près seuls dans Tadoussac, nous avons pu pleinement observer et apprécier chaque détail de son architecture, à la fois simple et riche de belles subtilités.
Construite de 1747 à 1750, la Chapelle des Indiens, comme elle est aussi appelée, est une des plus anciennes églises en bois d'Amérique du Nord. Elle a été désignée lieu historique national le 26 juin 2012.
La Baie de Tadoussac
Quelques mètres plus bas, nous avons rejoint la promenade qui permet de profiter de la vue sur la Baie de Tadoussac. Depuis 1998, Tadoussac fait partie du Club des plus belles baies du monde. Et quand on se retrouve à cet endroit-là du village, on comprend tout à fait pourquoi !
L'eau était d'un bleu-gris profond, relativement calme. Au loin, on pouvait déjà apercevoir les reliefs de la Gaspésie qui se démarquaient sur un ciel aux teintes claires. Entre nous et cet autre bout de terre, une mer de nuages occupait le ciel, parfois entrecoupée de rayons de soleil qui répandaient leur lumière sur l'eau. Un moment de beauté et de sérénité absolu.
La langue de sable qui borde habituellement la Baie était entièrement recouverte de neige sur plusieurs mètres. Au-delà, l’eau reprenait ses droits, tout en cohabitant avec des fragments glacés de l’hiver qui se détachaient peu à peu de la côte.
Les couleurs de Tadoussac
On a poursuivi notre découverte de Tadoussac en empruntant la promenade en bois. De là, nous pouvions continuer à admirer la Baie tout en profitant des bâtiments colorés qui lui faisaient face.
Car oui, contrairement à l’image, classiquement blanche et rouge, que l’on pourrait se faire de Tadoussac, cette petite ville propose en fait un arc-en-ciel complet de couleurs !
Du vert, du jaune, du rose, du bleu, du rouge, … chaque bâtiment a sa propre nuance colorée, en même temps qu’une architecture unique. Et le tout donne un joli ensemble singulier et joyeux, profondément chaleureux.
L’Anse à Cale Sèche
Au bout de la promenade, on s’est enfoncés dans la neige qui entourait le Centre d'Interprétation des Mammifères Marins, malheureusement fermé pour l'hiver.
A quelques mètres de là, les eaux de la Rivière Saguenay dansaient et venaient frapper la côte prise dans la neige et les glaces. Comme dans la Baie, des blocs de glace plus ou moins grands flottaient dans l’eau et sous l’eau, s’entrechoquant parfois dans un bruit singulier.
Les pieds dans la neige, on a profité un petit moment de ce joli spectacle hivernal qui s’offrait à nous. Tout était beau dans l’Anse à Cale Sèche : les paysages saupoudrés de neige, l’eau surmontée de morceaux de glace, les contrastes des couleurs de tous les éléments qui composaient ce tableau …
Tadoussac sous le soleil
Quand nous avons quitté ce beau poste d’observation, le soleil gagnait de plus en plus de terrain sur les nuages. C’est donc sous le soleil que nous avons continué notre balade dans Tadoussac.
En même temps que nous cherchions (je vous l’annonce de suite, en vain) un lieu ouvert pour manger, nous avons exploré de jolies petites ruelles du village, bordées de maisons colorées toujours. En chemin, on a trouvé d’autres couleurs, d’autres jolis détails d’architecture.
On a observé le Poste de traite Chauvin, l’Hôtel Tadoussac et la Chapelle des Indiens baignés de soleil. La lumière irradiante et le ciel presque totalement bleu leur donnaient un autre éclat, un autre visage.
La Baie et les bâtiments de Tadoussac profitaient pleinement du soleil mais ses rues sont restées désespérément vides. A l’image de nos estomacs …
La Route 138, de Tadoussac à Godbout
Les Escoumins
Nous avons dû parcourir « quelques » (40 !) kilomètres supplémentaires sur la Route 138 pour trouver un restaurant ouvert ! C’est finalement aux Escoumins, petite ville posée au bord de sa jolie baie éponyme que nous avons fait un arrêt.
Depuis le restaurant, nous avions une vue imprenable sur la Baie des Escoumins bordée par la Pointe à la Croix, surmontée de maisons aux toits multicolores. Un joli panorama, toujours ensoleillé, qui nous a fait un peu oublier la déception d’avoir dû quitter Tadoussac plus rapidement que ce que nous avions imaginé.
Le Vieux Quai de Ragueneau
Après plus de 120 kilomètres sur la Route 138, on a fait un nouvel arrêt, un peu au hasard, sur le Vieux Quai De Ragueneau. On ne s'attendait pas à y trouver un obélisque … et pourtant ! Celui-ci a été érigé en 1995 et mesure 30 mètres de haut. Il symbolise la MRC de Manicouagan et il nous a offert, je dois bien l’avouer, un brin de dépaysement au milieu de ce paysage enneigé !
A ce niveau-là du fleuve, l’eau n’était qu’une lointaine apparition, derrière plusieurs mètres de glace enneigée. Comme dans la Baie des Ha ! Ha !, la glace avait cédé à certains endroits et la pression exercée sur celle-ci avait formé des petites montagnes de glace.
Sous l’effet de l’hiver québécois, le Saint-Laurent offre réellement des paysages divers et variés. Parfois entièrement pris dans la glace, ou au contraire totalement s’écoulant totalement librement, il peut aussi être parsemé de milliers de petits bouts de glace qui bougent à une allure folle ou semblent immobiles. Et, finalement, les eaux du fleuve se soumettent à l’hiver québécois autant que l’inverse.
En attendant la Gaspésie
Cette longue journée sur la route nous a finalement mené à notre objectif : Godbout et son traversier. Dans la lumière déclinante de la fin de journée, toute en nuances de mauve et de rose pâle, nous avons quitté la rive gauche du Saint-Laurent. De l’autre côté, la Gaspésie et la promesse de paysages magnifiques, de sites historiques passionnants et de belles randonnées dans la neige !
C’est sur que ça change de l’été ,où Tadoussac est blindée ! Du coup, nous nous y sommes à peine arrêtés !
J’arrive même pas à imaginer comment ça peut être en fait, tellement c’était vide lors de notre passage !
Merci pour cette douce balade à Tadoussac ! Vous avez été privilégiés de la voir aussi déserte 🙂
Tu pourrais avoir ce privilège aussi en ce moment … Ou l’hiver prochain 😉
Sublime tous ces paysages enneigés ! Dommage pour l’absence de restaurant à Tadoussac, mais les maisons colorées sont très belles en tout cas ! 😀
La neige sublime tout, à mon avis 😉
Les maisons colorées sont très jolies oui, ça met du baume au cœur pendant la balade 🙂
Magnifique tes photos!! Le Québec c’est hyper joli en hiver, je suis super fière de ma belle province haha
Je ne sais pas si tu a visité en automne, mais avec les changements de couleurs dans les arbres c’est un spectacle magnifique.
Merci beaucoup 🙂 Et tu peux être fière de vivre dans une si belle province oui 😉
Je n’ai pas encore réussi à venir à un autre moment qu’en hiver, j’aime beaucoup trop cette saison chez vous ! Mais un jour peut-être que je découvrirais enfin ces belles couleurs vues tant de fois en photos !
Wow ça donne vraiment envie ! Magnifique de vadrouiller par ce temps d’hiver au Québec. Je n’étais pas allée aussi loin, je suis restée vers Montréal et Québec. Il faudra que je revienne pour explorer ce coin ! 🙂
Oui c’est vraiment superbe le Québec en hiver, je suis accro personnellement ! J’arrive pas à me résoudre à y aller à une autre saison !
Tu étais allée à quelle période à Montréal et Québec ?
J’y suis allée en été et en hiver ! Mais l’hiver donne vraiment un charme fou ♥️