Un dernier regard sur l’immensité blanche du Lac Saint-Jean et nous voilà de nouveau sur la route pour aller découvrir un autre joli coin du Québec : le Fjord du Saguenay. Pour cette troisième étape de notre road trip à travers la Belle Province, rien ne s’est passé comme on l’avait imaginé au départ. Pourtant, entre renoncements et belles rencontres, cette halte dans la Baie des Ha! Ha! est finalement un de nos meilleurs souvenir du voyage.
Poser ses valises dans la Baie des Ha! Ha! pour découvrir le Parc National du Fjord du Saguenay
Lorsqu'on a quitté les abords du Lac Saint-Jean, le ciel était bleu au-dessus de nous ; les paysages de plaine blanchis par la neige défilaient, on a traversé des petites villes, quelques granges typiquement canadiennes ponctuaient le panorama. Seulement 130 kilomètres nous séparaient de notre prochaine étape, La Baie.
Un petit nid douillet à La Baie
Pour la première fois du voyage (mais pas la dernière), on a trouvé notre logement la veille (dans un souci de ne pas réserver trop à l’avance, au cas où des chutes de neige nous empêcheraient d’avancer) : un logement dans une maison partagée avec la propriétaire, Ghislaine. Dans le périmètre que l’on visait, le choix de notre point de chute exact s’est d’ailleurs fait avec celui de ce logement dont les photos nous ont immédiatement séduit (une maison ayant reçu un prix en raison de son intérêt patrimonial en plus, dormir dans un bout d’Histoire, imaginez mon bonheur !).
Arrivés à La Baie, après 1h30 de route, on a découvert avec bonheur notre logement des deux prochaines nuits : une maison adorable tant à l’extérieur qu’à l’intérieur, une cuisine équipée et agrémentée de tout ce qu’il faut pour un petit déjeuner réussi (et local !), un petit salon, une salle de bain avec baignoire XXL, deux chambres (le plus dur a été choisir quel lit moelleux accueillerait nos songes !).
La Baie des Ha! Ha!
Rapidement, on s’est remis en route pour aller randonner dans le Parc National du Fjord-du-Saguenay, dont guides, blogs et locaux nous avaient conté les merveilles. Pour rejoindre le Parc, on a emprunté le Boulevard de la Grande-Baie Sud, la route qui longe la Baie des Ha! Ha!, immense et impressionnante étendue recouverte de neige, craquelée par endroits et habitée par des petites cabanes de pêche colorées à d’autres (et parfois à seulement quelques mètres de distance !). Un arrêt devant ce panorama à la fois apaisant et accidenté, immensément blanc et coloré, s’est bien naturellement imposé à nous !
Un petit point sur la Baie des Ha! Ha! :
Cette baie est en fait une anse sur la rivière Saguenay qui s'étend sur onze kilomètres vers le sud (sa largeur maximale est, elle, de 4,6 kilomètres). Ce couloir naturel, qui serait le prolongement de la faille et du fossé d'effondrement d'un lac à proximité, le Lac Kénogami, est le lieu où les eaux de la Rivière Ha! Ha! et de la Rivière-à-Mars rejoignent celle du Saguenay, formant deux couches d'eau superposées (l'eau des rivières faiblement salée au-dessus de celle, plus froide et salée, du fjord) et un écosystème favorable à la vie des espèces poissonneuses (76 espèces de poissons d'eau douce et marins vivent dans cette baie). Enfin, le nom de la baie proviendrait d'une altération d’un mot algonquin signifiant « lieu où on échange l'écorce ».
Renoncer au Fjord du Saguenay et découvrir l'Anse-Saint-Jean
Un peu après le petit village de Rivière-Eternité, sur la rue Notre-Dame, on s’est arrêtés sur le parking permettant d’accéder au Secteur de la Baie-Éternité, point de départ d’une randonnée vers un des endroits les plus spectaculaires du fjord si l’on en croit ce qu’on a lu à ce sujet … car on n’a en fait jamais pu le vérifier par nous-même !
Voyager en hiver ou l'art de renoncer à ses plans
Quelques mètres avant le parking déjà, la route ressemblait de plus en plus à une patinoire. Le sentier de randonnée qui partait de là, totalement blanc, glacé et glissant, nous paraissait vraiment impraticable pour des personnes non-équipées de crampons (← nous) ! La déception a figé un moment nos visages, les yeux perdus dans le vide à regarder le sentier gelé, sentant notre petit rêve de contempler la Baie-Éternité s’envoler.
Dans un sursaut d’espoir et avec la volonté farouche de ne pas abandonner sans être sûrs qu’il fallait le faire, on a contacté la Sépaq, pour savoir si tout le sentier était gelé (ou si, peut-être, avant un peu de chance et en croisant très fort les doigts, il s’agissait d’un microclimat à proximité du parking – après tout pourquoi pas hein ? Un courant d’air plus frais à cet endroit-là, une mauvaise exposition …) et notre interlocuteur nous a confirmé que sans crampon ou autres équipements spéciaux, s’aventurer sur les sentiers du parc était une très mauvaise idée.
Déçus, mais convaincus que c’était la bonne décision à prendre, on est remontés en voiture et on a poursuivi la route vers l’est et la ville de L’Anse-Saint-Jean où l’on avait repéré d’autres sentiers de randonnées, espérant que ceux-là seraient plus accueillants.
Mais, échaudés par notre déconvenue récente, on s’est quand même demandés si l’on ne ferait pas mieux de s’essayer à la pêche blanche dans les cabanes colorées qui agrémentaient joliment la petite anse. Accueillis chaleureusement chez Chalets sur le Fjord (qui propose des activités hivernales en plus de logements), on a finalement renoncé à la pêche blanche (la location de cabane sur le fjord n’était plus possible), on a envisagé le ski au Mont Saint-Edouard.
Finalement choisi de suivre les conseils de notre interlocutrice et la rivière Saint-Jean pour une randonnée garantie sans sentiers glacés !
Randonnée le long de la rivière Saint-Jean
Depuis le Pont du Faubourg, pont couvert qui enjambe la rivière Saint-Jean et point de départ de notre randonnée, le point de vue sur la petite ville de L’Anse-Saint-Jean est des plus charmants. Dressées le long de la route ou sur des petites collines, de jolies petites maisons aux toits en tôles et aux murs de bois, colorés ou non, surplombent la rivière, semant çà et là des tâches de couleurs dans le paysage hivernal.
Dominant tout le reste de cette petite ville (membre de l'Association des plus beaux villages du Québec), un clocher argenté, celui de l’Eglise de Saint-Jean-Baptiste, construite à la fin du 19e siècle, sur ce qui fut l'un des premiers sites de colonisation de cette région. Le sentier offre une vue dégagée sur les reliefs alentours et la nature omniprésente, enveloppante, dans laquelle est nichée L’Anse-Saint-Jean.
Malgré la quantité importante de neige sur le sentier, celle-ci, fragile, se dérobait parfois sous nos pieds et l’on s’est retrouvés plus d’une fois avec la jambe enfoncée dans la neige jusqu’au milieu du tibia, voire jusqu’au genou, et un beau fou-rire à la clé. On a suivi la rivière pendant un moment avant d’emprunter un autre sentier qui lui serpentait à travers la forêt, changeant nos perspectives mais pas notre joie de marcher au grand air !
Alors que l’on était sur le chemin du retour vers le Pont du Faubourg, la lumière du jour déclinait déjà, offrant de nouvelles couleurs au ciel et à l’environnement qui nous entourait.
Faire une belle rencontre et renoncer à ses plans (bis)
De retour dans notre logement, on a eu le plaisir de rencontrer Ghislaine, notre hôte pour ces deux nuits. Discutant simplement au départ du fonctionnement de sa machine à laver, on a finalement passé un long moment à parler avec elle de nos vies, de notre voyage, des siens, de la vie en général, de la journée du lendemain.
On avait initialement pensé se rendre à la Vallée des Fantômes dans le parc national des Monts-Valin, un lieu qui me faisait rêver depuis bien longtemps. Mais dans notre souci de ne rien réserver trop à l’avance, on n’avait pas de billets pour le Fantôme Express (la navette sur chenilles qui permet d’accéder à la Vallée féerique en 45 minutes) et Ghislaine nous a dit que ça risquait d’être compliqué d’avoir des places.
La météo n’étant, en plus, pas très prometteuse, Ghislaine nous a donné d’autres idées de balades, à proximité, dans des lieux qu’elle affectionne particulièrement.
Une matinée au Centre de plein-air Bec-Scie ...
Notre journée du samedi a commencé par un excellent petit déjeuner composé de presque toutes les bonnes choses que recelait la cuisine de notre logement. Sous un ciel chargé de gros nuages où perçait quand même parfois le soleil, on a pris la direction du Centre de Plein de Bec-Scie, une sorte de station de sports d’hivers comme il y a dans les montagnes françaises, mais en plaine.
Raquette, ski de fond, motoneige, quad, fatbike, ski joering, les activités hivernales proposées dans le chalet d’accueil à Bec-Scie sont nombreuses. Sur les recommandations de Ghislaine, on a opté pour une randonnée en raquettes sur le sentier « Le Canyon », une balade de 1,3 kilomètres qui permet d’observer le canyon creusé dans la roche par la Rivière-à-Mars qui traverse le site.
... Et un baptême de raquettes !
Bon, je crois que le moment est venu de vous avouer quelque chose (même si le titre a du déjà vous mettre la puce à l'oreille) : j’adore la neige, mais je ne fais jamais de sports d’hiver (ni même d’été – mais ça c’est un autre sujet !) ! J’ai fait du ski de fond une fois quand j’avais cinq ans, pas mal de luge dans les champs du Cantal jusqu’à mes dix ans et depuis plus rien …
Jusqu’à ce jour donc, où pour la première fois de ma vie, j’ai « chaussé » des raquettes pour explorer les sentiers de Bec-Scie. Et pour être tout à fait honnête avec vous, j’ai souffert ! J’ai eu la sensation de marcher en canard tout au long de la balade et horriblement mal dans les jambes après ça ! Mais bon, la torture le jeu en valait la chandelle !
Le ciel était à peu près dégagé et on a donc pu profiter de ce site remarquable sous une belle lumière, le soleil jouant avec les silhouettes des arbres pour créer des ombres monumentales sur la neige parfaitement blanche. La randonnée alterne entre zones découvertes et passages dans les bois, mais étant un peu trop habillés pour une marche (aussi) sportive, on a globalement eu trop chaud pendant toute la balade (oui oui, TROP chaud, vous avez bien lu) !
Heureusement, des plateformes aménagées pour surplomber le canyon, nous ont permis de faire quelques pauses rafraîchissantes et contemplatives. Malgré le froid et la glace qui la recouvrait en partie, la Rivière-à-Mars continuait de courir au fond de son canyon, noire, puissante. Les parois rocheuses du canyon dégoulinaient de glace, emprisonnant par endroit la nature en hibernation.
Arrivés de l’autre côté de la rivière, on a suivi un nouveau sentier et rallongé la balade de trois kilomètres … pour le plus grand plaisir de nos yeux (et un petit peu moins celui de mes jambes !). Sur le sentier « La Passe du Matelot », on a vu de jolis paysages aux arbres largement blanchis ou juste saupoudrés de neige ; le tapis blanc qui recouvrait le sol scintillait sous le soleil nous offrant un petit moment de féerie au cœur d’une forêt québécoise.
Après cette belle balade de deux heures et demi dans la neige, la faim s’est fait (violemment) ressentir, le grand air – frais – ça creuse beaucoup (pensez d’ailleurs à toujours avoir des barres de céréales avec vous si vous voyagez en hiver au Québec) !
Ravis de notre balade à Bec-Scie sur les conseils de notre hôte, on a décidé de suivre aussi ses recommandations gourmandes et c’est donc au Café Bistro Summum à La Baie, dans une ambiance moderne et agréable, que l’on a reposé nos jambes et rempli nos estomacs (un peu trop même en ce qui me concerne, leur « poutine de bourge » est délicieuse mais très copieuse !).
Suivre le Sentier Eucher pour admirer la Baie des Ha! Ha!
Toujours sur les conseils de notre locale préférée, on a continué notre journée de découvertes et de balades dans la neige sur le Sentier Eucher, avec, à la clé, la promesse d’une vue imprenable sur La Baie des Ha! Ha! Le point de départ du sentier, et le parking pour stationner, se trouve à la marina de La Baie, située dans l’Anse-à-Benjamin. De là, la vue sur la Baie est déjà magnifique et impressionnante, le blanc s’étend à perte de vue, toujours parsemé de petites cabanes colorées, strié de marque laissées par les skidoos et sévèrement craquelé par endroits.
Et puis l’ascension vers la Croix du Centenaire érigée tout là-haut et son belvédère commence. Le sentier Eucher serpente à travers les bois et grimpe (pas mal – pour info cette randonnée de 4,5 kilomètres à un dénivelé de 150 mètres) sans que l’on aperçoive le moindre paysage pendant un moment. Mais, au bout de la montée, l’effort est largement récompensé par le panorama incroyable qui s’étend devant nos yeux.
De là-haut, on perçoit bien l’étendue de La Baie des Ha! Ha! et aussi le nombre incroyable de cabanes qui reposent sur sa glace. De là-haut, on voit aussi, en arrière-plan, les reliefs qui modulent ce bout de Québec et l’immensité de ce territoire. On se sent petits face à la nature, privilégiés de pouvoir l’observer ainsi, heureux d’être là, tout simplement.
La redescente se fait avec quelques étoiles toujours accrochées aux yeux et à un coin de la tête, ravis de cette balade, fatigante certes, mais vraiment magnifique. Le spectacle de la nature se prolonge avec quelques rayons de soleil qui percent à travers les silhouettes des arbres et les allongent à l’infini sur le sol recouvert de sa ouate d’hiver. Tout en bas, dans l’Anse-à-Benjamin, le soleil qui décline allonge aussi les ombres des petites dunes de glace et donne encore plus de relief à ce paysage glacé, lunaire et merveilleux.
Ce dernier regard sur l’Anse-à-Benjamin a marqué la fin de notre journée de randonnées dans la neige, les jambes un peu lourdes de toute cette marche et la tête remplie de belles images, on a rejoint notre logement et remercié chaleureusement notre hôte pour tous ces précieux conseils, au cours d’un nouveau moment de partage avec elle.
Pour tout vous dire, on a tellement apprécié cette journée qu’elle fait partie d’un des meilleurs souvenirs de ce voyage ; et au final on a même totalement oublié la Vallée des Fantômes et le fait qu’on ait dû y renoncer.
Aujourd’hui quand je repense à cette étape dans La Baie, je ne pense plus qu’aux trois belles balades qui ont marquées nos journées et à cette rencontre si chaleureuse et agréable avec Ghislaine. Pendant cette étape, tout ne s'est pas passé comme prévu - rien en fait - mais ce qu'on a vu était superbe, on a passé de bons moments et c'est tout ce qui compte en voyage finalement, non ?
Lorsque l'on voyage au Québec en hiver (et c’est sûrement aussi valable dans d’autres pays de grand froid), il est important de savoir renoncer, de savoir s’adapter et de se laisser guider par ceux qui connaissent la région. Voyager en hiver réserve son lot de surprises, mais les plus belles découvertes sont souvent celles auxquelles on ne s’attend pas.
C’est vraiment un pays qui fait rêver. Même si très (ou de plus en plus) visité il reste malgré tout magique. Tes photos sont si belles.
Merci beaucoup Sabrina <3
En hiver ce n'est pas une destination très courue, je ne comprends pas pourquoi d'ailleurs les gens vont bien en Islande ou dans les pays Scandinaves en hiver, donc ce n'est pas la peur du froid ... Ça m'intrigue vraiment, surtout que moi je le trouve magique (comme tu dis si bien) ce pays sous la neige !
C’est justement en hiver que j’aimerais le découvrir. hé hé
Tu as bien raison ! J’ai envie d’y retourner une troisième fois en hiver ; je suis convaincue que ça serait chouette en automne aussi, mais j’arrive pas à me résoudre à ne pas y aller en hiver ^^ #NeigeAddict
J’adore cet article! Je découvre des petits parcs que je ne connaissais pas bien loin des sentiers battus!
😀 merci beaucoup Annabelle !
C’est la preuve que les locaux sont toujours de bons conseils et que les sentiers battus ne sont définitivement pas les seuls qui valent le détour !
j’adore les randonnées en raquette et oui, ça en valait la peine! Nous n’avons pas été dans ce parc non plus (pas assez de temps) mais j’espère, une prochaine fois!
Pour voir des paysages enneigées je serais prête à faire à peu près n’importe quoi de toute manière ^^ Tant pis pour mes jambes, elles ont oublié depuis, par contre les beaux souvenirs ils sont bien là dans ma tête et pour longtemps ! Vous avez déjà prévu votre prochain voyage au Québec ?