Un dimanche pluvieux d’avril. Mon père veut, malgré tout, nous emmener en balade. Il a envie de nous faire découvrir le site de Bès Bédène et sa pierre tremblante, de l'autre côté de la Truyère, dans l'Aveyron. De nombreuses fois lors de nos trajets Toulouse / Cantal, j'ai vu le panneau indiquant la proximité de ce lieu sans vraiment le prendre en considération. Et pourtant, Bès Bédène a tout pour retenir l'attention et marquer durablement les esprits !
Cet article participe au rendez-vous #EnFranceAussi, créé par Sylvie, du blog Le Coin des Voyageurs. Pour ce mois de novembre, Audrey, du blog Arpenter Le Chemin a choisi la thématique "Légendes". Pour l'occasion, j'ai décidé de vous parler d'un tout petit hameau de l'Aveyron, Bès Bédène, qui, même si aucun récit détaillé n'est parvenu jusque nous, a tout d'une terre de légendes ...
Sur les routes sinueuses de l'Aveyron
Le ciel est gris, fermé, la route sinueuse. On n'en finit pas de tourner, dans un sens puis dans l'autre. Par moment, dans ces paysages vallonnés, on observe le panorama qui nous entoure, à perte de vue. Et puis, l'instant d'après, la route s'enfonce entre les arbres et l'on ne voit plus qu'eux sur plusieurs kilomètres. On imagine sans peine, sur ces routes abandonnées à la forêt dense et mystérieuse, des histoires d'attaques de brigands ou d'animaux fantastiques ...
La route serpente un moment à travers ces paysages aux multiples nuances de vert, s'adapte à ses aspérités, nous fait perdre le nord. La météo automnale de ce jour de printemps nous fait, elle aussi, perdre nos repères. Après 45 minutes de route et d'innombrables virages, on traverse finalement Campouriez et ses hameaux, en se rapprochant de celui qui nous intéresse : Bès Bédène.
Ce nom, comme beaucoup de ceux qui ont traversé les époques, est du à la localisation géographique de ce site. Il se trouve dans une zone où les bouleaux (Bès ou Bez en occitan) poussent nombreux et plus particulièrement sur le territoire de la Viadène, ou Bédène, région naturelle située au nord du département de l'Aveyron. Ce que ce nom ne révèle pas, c'est la situation pourtant assez particulière de ce site.
Bès Bédène et son rocher
En effet, Bès Bédène est situé à 564 mètres d'altitude, sur un promontoire rocheux granitique, lui-même niché dans un méandre de la Selves. Ce tout petit hameau, qui ne compte que quelques maisons, une église et un cimetière, est (courageusement) fixé sur une crête rocheuse depuis le 11ème siècle. Quelle surprise de le découvrir là, hérissé sur son cailloux, comme surgit de nulle part. Comme sorti d'un livre de contes et légendes.
En le regardant de loin, depuis la route qui arrive de Campouriez, on se demande bien pourquoi quelqu'un a eu l'idée de construire des bâtiments sur cet éperon rocheux. Depuis la route, au loin, le hameau et son caillou ont des airs de gros navire gris avançant vers le relief en face. En l'observant à distance, on a la sensation que les couloirs du temps ce sont ouverts quelque part sur la route pour nous plonger dans une époque lointaine.
« Côté village comme côté rocher, le lieu est magique. Ses huit habitants à l’année y mesurent ce qu’il contient d’épique et d’invitation au fantastique lorsque cette longue coque, qui vogue sur la brume, se met à tanguer entre ciel et terre » René BECOUZE, ancien journaliste.
A mesure que l'on s'approche, on réalise à quel point l'éperon rocheux sur lequel se trouve Bès Bédène n'est pas large ! Les habitations comme le cimetière semblent tout au bord du précipice, lorgnant sur la rivière en contrebas. Et partout autour de ce promontoire enserré dans la Selves, d'autres reliefs se dressent fièrement, donnant la sensation qu'un rempart, d'une muraille naturelle qui viendrait isoler Bès Bédène d'éventuels assaillants.
Bès Bédène : l'omniprésence de la pierre ... et des légendes !
Comme souvent dans les hameaux du nord de l'Aveyron (et ceux du sud du Cantal), les habitations sont ici recouvertes de toits en lauzes, rangées, empilées avec minutie. Les murs, eux, laissent apparaître des pierres, toutes uniques et taillées avec soin, cernées par un mortier blanc qui les met en valeur. Témoins des époques qu'elles ont traversées et du talent des artisans qui ont bâti les campagnes, elles semblent avoir bien des récits à nous conter ...
Visible déjà depuis la route de Campouriez et surplombant nettement tous ces toits de lauzes, le clocher-peigne de l'église, lui aussi couvert par ces pierre taillées, attire inévitablement le regard. Fondée par Saint Gausbert, cette église de style ogival se dresse à Bès Bédène depuis 1112. A l'intérieur, les pierres apparentes soulignent les arcades et contrastent avec les murs blancs.
Tout le hameau est rassemblé autour de l'église, à l'exception d'une jolie maison aux volets tombants et aux rideaux crochetés. Construite de l'autre côté de la route, cette bâtisse isolée protège un secret. En effet, un des chaos les plus impressionnants du site se dresse à l'arrière de cette maison. Et selon la légende, transmise de générations en générations à Bés Bèdene, les rochers de ce chaos auraient des vertus bienfaisantes ...
La pierre branlante de Bès Bédène
Une fois le cimetière passé, on pénètre dans un univers tout autant marqué par la pierre, mais naturelle et brute cette fois. Livré à la nature, à la végétation et, de fait, aux rochers plus ou moins gros et moussus, un petit chemin avance vers le bout de la crête. Les nuances de gris et de verts sont partout autour de nous, du ciel au sol, donnant l'impression d'avoir pénétrer un monde où seules ces deux couleurs existeraient encore.
Sinueux et accidenté, l'étroit sillage qui se dessine sous nos pieds requiert toute notre attention. Pour observer pleinement, le panorama forestier et minéral qui nous entoure sans risquer une chute, les arrêts s'imposent. En contrebas, la Selves murmure doucement comme pour ne pas rompre le silence qui nous enveloppe. Les bruits d'oiseaux sont rares, la nature semble figée dans cette journée automnale en plein milieu du printemps.
Après quelques minutes sur le sentier, on aperçoit finalement la pierre en partie à l'origine de cette balade dominicale. Sur un important bloc rocheux ridé et moussu, une pierre allongée, moussue elle aussi et étonnamment fendue, est posée en équilibre. En la regardant, on a le sentiment que cet équilibre est précaire et que la pluie, le vent, pourraient la faire tomber ... Et pourtant, cette pierre fait parler d'elle depuis le 18ème siècle !
« Il y a là une énorme quille de granit, découronnée de sa pointe sur laquelle on peut grimper côté nord tandis que le bord opposé forme un a-pic absolument vertical. Or sur ce bord tronqué gît en surplomb une grande pierre qui paraît être la cime de la quille renversée par les siècles. » Pierre Bosc, historien et auteur du livre Mémoires pour servir à l’histoire du Rouergue, dont ces phrases sont extraites.
Pierres de légendes et errance de l'imagination
Œuvre ou hasard de la nature, dolmen, stèle dédié à un quelconque dieu païen, création artistique ... Cette pierre tremblante a alimenté de nombreux questionnements au fil des siècles et continue aujourd'hui de le faire. Impossible de ne pas être troublé par cet amas rocheux hasardeux et d'essayer d'y trouver une explication, une signification ... Comme pour les alignements de Carnac, ce genre de lieu apporte autant de questions que d'émerveillement.
Sur l'imposant rocher qui supporte cette pierre branlante, une croix blanche (aujourd'hui rayée par une croix bleue) a été peinte. Selon les historiens, la première croix serait la marque d'une volonté de christianiser ce site. Or, ce traitement était habituellement réservé aux pierres auxquelles les anciens prêtaient des vertus ou pouvoirs spécifiques. Une manière pour l'église de combattre les croyances païennes.
En regardant de plus près, on pourrait presque voir dans cette pierre la tête d'un animal fantastique. La fente serait sa bouche, le reste du rocher son corps ... Sur le chemin du retour, alors qu'apparaît au loin le clocher de l'église, l'esprit fouille encore tous les recoins de l'imagination. Pour trouver la bonne interprétation, ou plutôt la bonne légende, à graver sur l'image de ce rocher équilibriste ...
Si vous voulez en savoir (beaucoup) plus sur le site et notamment connaître l'histoire du le « saut du loup », grotte de légende de Bès Bédène (dont j'apprends l'existence en écrivant cet article !), vous pouvez lire ce rapport passionnant sur le lieu réalisé par la Préfecture de l'Aveyron.
Et si vous avez envie d'avoir un peu de Bès Bédène chez vous, vous pouvez acheter le timbre édité par La Poste en juillet 2020 !
Ce village et cette église, comme c’est beau. Outre la légende, les toits de Lauze, la pierre grise et la brume, il n’en faut pas plus pour rendre l’endroit mystérieux… c’est sûr un jour j’irai le voir
🙂 Contente que mon article t’ait donné envie de voir Bès Bédène en vrai ! Le jour où tu y vas je pourrais te donner quelques conseils d’autres choses à voir dans les alentours si tu veux 😉
Mon petit paradis ❤️, merci pour cet article dans lequel vous parvenez à faire ressortir l’apaisement et le mystère….
Très beau à voir absolument, un lieu Magique ,ne pas manqué à l’entrée de Bes il y à un artiste d’exception un énorme personnage en inox figure l’entrée de la bâtisse ne pas manqué la visite
Quel merveilleux récit. Merci Pauline. Quel village magnifique, tes photos sont superbes. Je connais un peu mais vraiment trop peu l’Aveyron. Comme j’aimerais y retourner et de découvrir ce lieu.
Merci beaucoup Sabrina, tes mots me touchent énormément ! Je te souhaite de retourner très vite en Aveyron pour découvrir cette merveille et toutes les autres que comptent ce beau département !
Je connais bien la région de l’Aveyron, mais je n’avais jamais entendu parler de ce petit hameau, étonnant, perché sur un piton rocheux, à la forme d’un gros navire ! Merci pour cette belle découverte !
L’Aveyron a tellement de petits trésors, c’est difficile de tous les connaître je pense ! Mais ça fait une bonne occasion pour retourner s’y balader 😉
Jamais été aussi fascinée par une roche! Merci par la découverte de ce coin de l’Aveyron qui m’était inconnu!
Haha ! Et tu lui donnes quel pouvoir / signification toi à cette roche ?
Ce site est impressionnant, je suis admirative des constructeurs de l’époque qui ont bâti leur village sur cet éperon ! Merci pour la découverte ! 😀
Oui hein, quelle idée ils ont eu de construire un hameau à cet endroit-là ! Mais bon, heureusement qu’ils l’ont fait, ça nous offre un bel endroit à visiter !
Formidable !
Vos photos, votre récit… sont une superbe vitrine pour le ravissant site Aveyronnais de Bès Bédène !
A voir : l’espace/expo dédié à M Charles de Louvrié – précurseur de l’aéronautique – est aussi très intéressant .
Merci beaucoup Michèle !
Je ne connais pas du tout ce Monsieur de Louvrié mais, habitant à Toulouse depuis un certain temps maintenant, vous avez piqué ma curiosité avec cette histoire d’aéronautique ! Je le note pour une prochaine balade dans les environs de Bès Bédène 🙂
un grand plaisir à te lire, merci pour ce partage!
Merci beaucoup 🙂
Quelle ambiance incroyable, des photos de toute beauté ! Merci pour le voyage en terres de légendes. Ce rocher est clairement un reptile pétrifié, en ce qui me concerne !
En écrivant l’article, je me disais que finalement c’était la météo parfaite pour visiter cet endroit !
Contente que cette terre de légendes t’ait plu ! Et j’avoue le reptile me semble être une bonne option !
Quel joli coin perdu dans la France profonde ! Ca donne vraiment envie de s’évader. Merci Pauline pour ce beau reportage et à bientôt !
L’Aveyron possède plein de petits trésors comme celui-là, tu aurais de quoi t’évader un moment 😉 Merci à toi Pierre
C’est effectivement un très bel endroit, un peu difficile à trouver car peu indiqué et c’est tant mieux. On y pique-nique au pied du vieux pont en contre bas au bord de la rivière ou sous le petit auvent de lauzes parfaitement réalisé à côté de l’église. C’est aussi un point de départ ou de retour pour quelques randonnées sympas.
Il doit y avoir de très belles randonnées à faire autour oui ! Merci pour votre passage ici 🙂
Très beau reportage sur ce site du nord Aveyron. Nous vous proposons un lien vers un autre lieu voisin de ce territoire : dans la vallée de la Truyère, le site de la Presqu’ile de Laussac dont vous aviez parlé dans un article, lors de la vidange du grand Barrage de Sarrans.
https://petitesevasionsgrandesaventures.fr/2017/10/01/les-ruines-englouties-du-barrage-de-sarrans-enfranceaussi/
Les chapelles de Laussac et de Bez Bedene se partageant le même fondateur au Moyen Âge : Saint-Gausbert, dont les reliques sont conservées dans la chapelle de Laussac.
Merci beaucoup Daniel ! Pour votre commentaire et pour vos précisions concernant Saint-Gausbert 🙂
Très bel article sur ce hameau que j’aime beaucoup.
Merci beaucoup à vous Laurence !
Merci pour cette balade automnale, ça fait du bien de partir en Aveyron le temps d’un récit, ou d’une légende ! J’aime bien les chaos, le nom déjà, et puis ces roches auxquelles on a toujours envie d’attacher un sens, une histoire. Vous avez bien fait d’emprunter ces routes sinueuses !!
C’est vrai que l’ambiance fait bien automnale mais c’était pourtant le printemps ! Et oui, je ne regrette vraiment pas d’avoir pris ces routes sinueuses, j’ai adoré découvrir ce petit hameau et son environnement … Ah l’Aveyron et ses pépites …
Quel beau village ! J’adore les chaos rocheux, c’est plein de mystères. Jolie balade aveyronnaise.
Merci Delphine ! Je pense qu’une balade à Bès Bédène et dans ses environs te plairait beaucoup alors ! Et puis tant qu’à être dans le coin, je te le dis si un jour tu y vas, il faudrait que tu fasses la route entre Espalion et Entraygues-sur-Truyère, il y a tout un tas de belles formations rocheuses, et puis, même si la route est tortueuse, les Gorges du Lot à cet endroit là sont vraiment magnifiques !
Merci du tuyau ! Je connais très mal ce coin de France, il faut absolument que je pallie ce manque.
Même si j’ai pas beaucoup d’articles sur la sujet je connais pas mal le Nord Aveyron, si un jour tu y vas n’hésites pas à me demander 😉
Merci ! Je note.